mercredi 23 novembre 2011

L'Hadopi est-elle si efficace ?

Dans son discours lors d'un forum sur la culture à l'ère du numérique à Avignon, vendredi dernier, le président de la République est revenu sur l'action et l'efficacité des lois relatives à la mise en place de l'Hadopi (Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet), discours au cours duquel il a également annoncé des mesures de luttes contre la diffusion d'oeuvres protégées en streaming (j'aurais l'occasion d'y revenir ultérieurement).


Nicolas Sarkozy s'est félicité des résultats obtenus depuis la mise en place du dispositif en 2009 (avec la loi Hadopi 2), avançant un recul de 35 % du piratage d'oeuvres protégées à partir des sites peer-to-peer. 


Pourtant, des études sérieuses et surtout antérieures à la mise en place de l'Hadopi ont démontré que le  recul du P2P s'était déjà amorcé dans le courant des années 2000. 



Ainsi, l’International Federation of Phonographic Industry (IFPI) avançait en 2004 le nombre de 800 millions de fichiers disponibles sur les réseaux peer-to-peer [1]. Le logiciel Napster, fer de lance de la première vague du P2P, comptait quant à lui plus de 60 millions d’utilisateurs à travers le monde, en 2001. Le téléchargement (musique, film, jeux vidéo, logiciels, et autres documents audiovisuels) par les réseaux P2P s’est largement banalisé chez les usagers d’Internet pendant presque dix ans.

Parallèlement les ventes n’ont cessé de chuter au cours de ces dix dernières années. Ainsi, selon la Recording Industry Association of America (RIAA), entre 1999 et 2003, les ventes unitaires de disques compacts auraient chuté de plus de 25 %. En France, le phénomène aura pris plus de temps à arriver. En effet,  sur la même période, selon le Syndicat National de l’Edition Phonographique en France (SNEP), les ventes d’albums ont enregistré une baisse de 3 % seulement. En nous basant sur le graphique suivant, on note que le baisse des ventes physiques s’accélère de manière très significative à partir de l’année 2005.


Source : SNEP (2010)

Faut-il accorder cette baisse des ventes à la seule pratique du peer-to-peer ? Les industriels du disque et les sociétés de gestion des droits d’auteurs, en France comme dans le monde, ont désigné les « pirates » du téléchargement en P2P comme les principaux responsables de la crise actuelle du disque.

Pourtant le peer-to-peer serait en déclin depuis 2007 alors que le marché mondial de la musique enregistre année après année des chiffres toujours en baisse par rapport à l’année précédente. Selon une étude menée auprès de 110 fournisseurs d’accès à Internet dans le monde et  publiée par Arbor Networks, et comme l’illustre le graphique suivant, le peer-to-peer fait face à un déclin global.

Parallèlement à cette baisse on note celle du nombre de téléchargements de fichiers audio ou vidéos. En France cette tendance est nettement marquée depuis deux ans. 20 % de la population déclare avoir téléchargé de la musique en 2010 contre 22 % en 2009 et 24 % en 2008. On note surtout une baisse amorcée dès l'année 2008, soit un an avant la mise en place de l'Hadopi (le texte a été adopté le 15 septembre 2009).








Avec ces quelques chiffres, difficile donc de se rendre compte de la réelle efficacité de l'Hadopi avancée par Mr Sarkozy sur les plateformes peer-to-peer.





[1]  BOURREAU Marc, LABARTHE-PIOL Benjamin, « Crise des ventes de disques et téléchargements sur les réseaux peer-to-peer », in Réseaux, n°139, 2006, p. 105-144.

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